Ouverture de l’après-midi de travail du 25 septembre

Puisque c’est la première fois que nous réunissons ce groupe que nous avons proposé, je voudrais parler rapidement de notre projet.

Il s’agit d’un groupe clinique : nous allons donc privilégier des interventions faites à partir de l’expérience clinique. Bien entendu les intervenants pourront se référer à des concepts et des analyses déjà élaborées par ailleurs. Moi-même, pour situer notre projet, je vais me référer à Lacan. Mais nous voudrions éviter que notre travail consiste, comme c’est trop souvent le cas, dans une énième reprise des textes freudiens ou lacaniens, comme s’il ne s’agissait que de les expliciter ou de les commenter. 

Il y aura d’ailleurs peu  de raisons de reprendre des théories toutes faites puisque nous essaierons de ne pas en rester à une clinique connue depuis longtemps. Nous souhaitons plutôt travailler sur ce que nous connaissons mal. La question des cas limites dans la cure analytique, dont il va être question aujourd’hui, en est bien évidemment un exemple. 

Je pourrais ajouter, concernant la clinique, des idées que nous avons formulées dans le petit texte que vous avez reçu. La clinique analytique, à notre avis doit prendre en compte l’effet de la mutation du social sur le sujet individuel. Et elle doit aussi être attentive à la démarche du praticien lui-même, en tant que celui-ci constitue l’adresse de l’inconscient. Mais je voudrais surtout insister sur le style de travail que nous souhaitons.

Il ne s’agira pas d’un enseignement. Celui-ci, traditionnellement, est assuré par les plus anciens, qui pensent devoir transmettre un savoir. Nous souhaiterions une tout autre démarche, qui soit davantage en continuité avec la façon dont chacun en vient à questionner la théorie analytique. Ceci se fait le plus souvent, du moins dans les premiers temps, en résonance avec ce que nous apprenons de notre propre cure.

Au fond c’est sans doute cela que visait Lacan en introduisant la passe. Tout d’abord – mais cela c’est connu – Lacan se mettait en position d’apprendre quelque chose de ceux qui étaient au plus vif de la terminaison de leur analyse. Mais il y a autre chose dont me semble-t-il, on parle rarement. Dans une de ses interventions sur la passe, en novembre 1973 Lacan en vint à dire que ce qu’il avait pu  attendre de la passe c’était « une tentative (…) peut-être pour une fois de dialogue entre ceux qui, pour s’être exposés à cette passe, en ont vécu l’expérience ».

Si on prend au sérieux ce qu’il disait là c’est tout de même surprenant. Pour une fois ! C’est comme s’il se plaignait que de façon générale les membres de son école ne dialoguaient pas, sans doute parce qu’il est difficile pour ceux qui sont dans leurs petits souliers d’interpeller ceux qui sont dans la suffisance ! Comme si pour lui la passe devait entre autres permettre de sortir de cet absence de dialogue ! Eh bien nous allons essayer en ce qui nous concerne de donner au dialogue une place essentielle – ce qui suppose de ne pas en rester à cette répartition des places entre petits souliers et suffisances. Nous veillerons particulièrement à cela.

Roland Chemama